Les pluies de ces derniers semaines et mois impliquent des sols saturés en eau. Aussi, celles de ces derniers jours font monter inévitablement les niveaux de l’ensemble des cours d’eau du bassin versant de l’Oise.
Les niveaux d’eau observé à l’Isle-Adam sur la rivière Oise (4,30m) sont des niveaux de crue de retour 5 ans environ.
Sur notre territoire, en l’état actuel de la situation, seuls quelques cheminement le long de l’Oise et certains champs sont inondés par débordement ou remontée de la nappe. Les niveaux du cours d’eau vont rester hauts pendant encore quelques jours jusqu’à une décrue progressive si les conditions météorologiques sont favorables. Vous pouvez vous tenir informé de la situation en consultant le site www.vigicrue.fr ou sur le site de l’Entente Oise Aisne https://www.oise-aisne.net/
Les crues sur le bassin versant de l’Oise sont gérées par l’Entente Oise Aisne qui vous explique ci dessous la régulation des crues par les ouvrages qu’elle a construit ces dernières années.
https://www.oise-aisne.net/2020/03/09/pourquoi-l-entente-ne-r%C3%A9gule-pas-les-crues-en-cours/
Pourquoi l’Entente ne régule pas les crues en cours ?
Cet hiver est marqué par des crues à répétition sur le bassin Oise Aisne : déjà une première alerte avait eu lieu en décembre puis nous subissons une série de quatre crues successives entre février et mars. Des questions se posent parmi les riverains, notamment le long de la Serre aval (02), territoire qui pourrait bénéficier d’une régulation de l’ouvrage récemment inauguré de Montigny-sous-Marle.
Plus en aval, quelques riverains sont toujours inondés depuis maintenant un mois à Appilly (60). Pourquoi l’Entente ne régule pas ces crues tandis que les ouvrages sont disponibles ? Ce questionnement légitime appelle une réponse que nous souhaitons détaillée, au-delà d’un communiqué diffusé largement la semaine dernière auprès de la presse régionale.
Les barrages de Proisy et Montigny-sous-Marle permettent de stocker un volume de crue le temps que le pic passe dans les territoires aval sans trop de dommages. Disposant d’une vanne, ils peuvent être activés à tout moment. Le recours à la régulation répond pourtant à trois principes convergents.
1 — un principe d’optimum économique
Plus une crue est importante, plus elle est rare, plus elle génère du dommage. Si le barrage régule une petite crue, fréquente, il n’épargne que peu d’enjeux (pourquoi pas ? ça répond à une demande). Il est impossible de connaître a priori le volume de la crue qui descend les vallées et donc nous ne sommes pas en capacité de pouvoir adapter la gestion de l’ouvrage à la crue qui se présente. De plus, une petite crue peut être suivie d’une seconde qui arriverait sur le barrage avant que celui-ci ait vidangé le volume précédemment retenu. C’est pourquoi la consigne est fixe : l’ouvrage régule à partir d’un débit fixé au règlement d’eau (un arrêté préfectoral qui définit la façon dont l’ouvrage est géré) et retient l’excédent du pic de crue tant que la retenue n’est pas pleine. Cette fenêtre d’efficacité a été calée au vu des enjeux dans les vallées plus en aval et de la rareté des crues qui les inondent. Les deux barrages régulent des crues environ décennales (que nous observons une fois tous les 10 ans en moyenne) et saturent pour des crues d’une période de retour d’environ 30 ans (Montigny-sous-Marle) à 50 ans (Proisy). Pour des crues de moindre ampleur, les ouvrages laissent passer pour préserver leur capacité en cas de crue supérieure à venir. Il serait malheureux d’avoir tenté de réguler une petite crue qui ne crée que peu de dommages pour saturer très rapidement en cas de survenance rapide d’une forte crue tandis que l’ouvrage est plein, avec pour conséquence des dommages tels que ceux vécus en décembre 1993 et que les plus anciens ont encore en mémoire. C’est le principe du « fusil à un coup » : il n’y a qu’une cartouche, il faut avoir quand la tirer. La succession de crues, comme c’est le cas depuis début février, nous légitime dans l’application des principes fixés au règlement d’eau (pour laquelle des quatre crues aurions-nous rempli les barrages ?)
Parmi les crues de cet hiver, la plus forte fut la seconde du mois de février, avec une période de retour, au droit des ouvrages, d’environ 2 ans sur Proisy et 3 ans sur Marle. Pour se préserver de ces crues fréquentes, les barrages ne sont pas adaptés, il convent de s’orienter vers d’autres outils.
2 — un principe de solidarité face au risque
Suite à des dommages d’inondation, les communes font remonter les demandes de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Un comité interministériel statue sur ces demandes en appréciant le caractère au moins décennal de l’événement. Autrement dit, la mobilisation de la couverture assurantielle dite « CATNAT » ne s’envisage que pour des événements que l’on n’observe en moyenne qu’une fois tous les dix ans. Si le phénomène est plus fréquent, la solidarité ne joue pas. Or les barrages ont été cofinancés en partie par un soutien du fonds « Barnier » (taux de 40%), constitué d’un prélèvement sur le fonds CATNAT. Il est cohérent d’appliquer le même principe de rareté pour l’activation des ouvrages de prévention que pour les indemnisations après sinistre.
3 — un principe d’équité agricole
L’eau des pics de crue retenue dans les barrages, aggrave les conséquences des inondations sur de nombreuses parcelles agricoles. De tels terrains sont naturellement inondables mais rajouter jusqu’à 5m d’eau et prolonger de plusieurs jours cette stagnation, aggrave les dépôts de limons, sature durablement les sols et, en cas de culture en place, en condamne toute reprise. L’impact sur l’agriculture est indéniable, la régulation étant parfois présentée comme un « transfert de risque » (pour préserver des zones urbanisées, on aggrave les conséquences sur des terres agricoles). Ce principe, qui n’est d’ailleurs permis au Code rural que par exception en vue de lutter contre les inondations, suppose la mise en place de servitudes agricoles et de leur indemnisation. Au-delà de la légitime compensation financière, les agriculteurs ne demandent qu’à … cultiver. Sacrifier leur travail ne peut se faire qu’à titre exceptionnel. Un sacrifice une année sur dix en moyenne est jugé acceptable par la profession, une fréquence plus élevée posant question sur le maintien de l’activité dans la zone de retenue.
L’Entente, consciente que sa politique de régulation des crues repose sur l’acceptabilité agricole, a posé ce principe négocié très en amont de ses premières réalisations, dès 2003. Et les deux barrages de l’Entente n’ont pu être réalisés qu’au vu d’accords avec la chambre d’agriculture assis sur le respect de ce principe. Envisager de réguler des crues plus fréquentes — et donc plus souvent — briserait le pacte de confiance et remettrait en cause toute la logique de régulation à l’échelle du grand bassin de l’Oise.
Si les crues au droit des barrages ne sont pas exceptionnelles, il se peut que plus en aval, les pics stagnent sur les secteurs de vallée de très faible pente (secteur de la Serre en aval de Crécy-sur-Serre et de l’Oise moyenne entre La Fère et Noyon) de sorte que des crues successives et rapprochées ont pour conséquence une accumulation de masses d’eau quasi-stagnantes. Les niveaux peuvent alors atteindre des cotes sensibles comme à Pont-à-Bussy (02, Serre aval) où la cote observée ce dimanche se situe 18 cm sous la crue record de décembre 1993. Ce niveau s’observe tous les 5 à 10 ans.
Lorsque des enjeux sont sinistrés lors d’événements plus fréquents, la réponse passe par d’autres outils que les barrages de régulation, qui peuvent être des mesures individuelles sur le bâti, des protections de certains secteurs, etc. C’est toute la démarche de prévention globale qui doit statuer sur un ensemble cohérent et complémentaires d’outils, dont de nombreux restent à identifier et réaliser, et qui font l’objet de réflexions partagées au sein des commissions hydrographiques de l’Entente. L’Entente ne réalise pas que des barrages, c’est même la complémentarité des actions examinées à l’échelle du bassin versant qui légitime son existence.