2 — un principe de solidarité face au risque
Suite à des dommages d’inondation, les communes font remonter les demandes de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Un comité interministériel statue sur ces demandes en appréciant le caractère au moins décennal de l’événement. Autrement dit, la mobilisation de la couverture assurantielle dite « CATNAT » ne s’envisage que pour des événements que l’on n’observe en moyenne qu’une fois tous les dix ans. Si le phénomène est plus fréquent, la solidarité ne joue pas. Or les barrages ont été cofinancés en partie par un soutien du fonds « Barnier » (taux de 40%), constitué d’un prélèvement sur le fonds CATNAT. Il est cohérent d’appliquer le même principe de rareté pour l’activation des ouvrages de prévention que pour les indemnisations après sinistre.
3 — un principe d’équité agricole
L’eau des pics de crue retenue dans les barrages, aggrave les conséquences des inondations sur de nombreuses parcelles agricoles. De tels terrains sont naturellement inondables mais rajouter jusqu’à 5m d’eau et prolonger de plusieurs jours cette stagnation, aggrave les dépôts de limons, sature durablement les sols et, en cas de culture en place, en condamne toute reprise. L’impact sur l’agriculture est indéniable, la régulation étant parfois présentée comme un « transfert de risque » (pour préserver des zones urbanisées, on aggrave les conséquences sur des terres agricoles). Ce principe, qui n’est d’ailleurs permis au Code rural que par exception en vue de lutter contre les inondations, suppose la mise en place de servitudes agricoles et de leur indemnisation. Au-delà de la légitime compensation financière, les agriculteurs ne demandent qu’à … cultiver. Sacrifier leur travail ne peut se faire qu’à titre exceptionnel. Un sacrifice une année sur dix en moyenne est jugé acceptable par la profession, une fréquence plus élevée posant question sur le maintien de l’activité dans la zone de retenue.
L’Entente, consciente que sa politique de régulation des crues repose sur l’acceptabilité agricole, a posé ce principe négocié très en amont de ses premières réalisations, dès 2003. Et les deux barrages de l’Entente n’ont pu être réalisés qu’au vu d’accords avec la chambre d’agriculture assis sur le respect de ce principe. Envisager de réguler des crues plus fréquentes — et donc plus souvent — briserait le pacte de confiance et remettrait en cause toute la logique de régulation à l’échelle du grand bassin de l’Oise.
Si les crues au droit des barrages ne sont pas exceptionnelles, il se peut que plus en aval, les pics stagnent sur les secteurs de vallée de très faible pente (secteur de la Serre en aval de Crécy-sur-Serre et de l’Oise moyenne entre La Fère et Noyon) de sorte que des crues successives et rapprochées ont pour conséquence une accumulation de masses d’eau quasi-stagnantes. Les niveaux peuvent alors atteindre des cotes sensibles comme à Pont-à-Bussy (02, Serre aval) où la cote observée ce dimanche se situe 18 cm sous la crue record de décembre 1993. Ce niveau s’observe tous les 5 à 10 ans.
Lorsque des enjeux sont sinistrés lors d’événements plus fréquents, la réponse passe par d’autres outils que les barrages de régulation, qui peuvent être des mesures individuelles sur le bâti, des protections de certains secteurs, etc. C’est toute la démarche de prévention globale qui doit statuer sur un ensemble cohérent et complémentaires d’outils, dont de nombreux restent à identifier et réaliser, et qui font l’objet de réflexions partagées au sein des commissions hydrographiques de l’Entente. L’Entente ne réalise pas que des barrages, c’est même la complémentarité des actions examinées à l’échelle du bassin versant qui légitime son existence.